Les mots et la musique de Delphine me font pleurer. De plus en plus fort, pour tout, et pour cet ange, que je n'ai pas oublié, une ange, ça existe au féminin ? Non, je ne l'ai pas oubliée, et il y a ces "si", et toutes les choses qu'on avait imaginées et boum, boum, ce jour-là, tout s'effondrait, parce que le sommeil était plus profond que tout et que, que je ne sais pas, qu'on aime se faire du mal, il faut croire, en pensant à tout ce qui ne se passera jamais, et qui constitue pourtant la vie de millions d'entre nous. Vous vous rappelez du jour où vous avez réussi à faire du vélo sans l'aide des petits roulettes ? Moi, je crois que le mien était rouge, pas vraiment beau, mais solide, et puis mon père derrière moi, fier sans doute et un peu amusé. Et apprendre à nager ? En deux semaines, dans un camping, avec Mickaël. J'avais un maillot de bain bleu à motifs roses et jaunes. Et puis tous ces souvenirs en vrac. La classe de mer de CM1, et les photos retrouvées l'autre jour, chez Claire, avec nous dessus. Et moi, qui avait huit ans, ou neuf ans, ou peut-être dix, je ne sais plus compter, mais cette gamine qui regarde l'objectif en souriant, c'est moi ? Je peine à le croire, j'ai l'impression que c'est si loin, que c'est une autre petite fille. Et ça me fait peur. Et pourtant je les ai, ces souvenirs, ce ne sont pas que des clichés sur du papier, je sais que j'ai vécu tout ça, je me souviens, mais ça me paraît être un autre monde, ailleurs, si loin, auquel je n'appartiens pas.
[J'avais deux ans, à Rennes. Rennes, que je quitte à la rentrée pour Nantes, puisque mes parents doivent avoir signé pour la chambre visitée hier, à l'heure qu'il est...]
On en revient toujours au même point, je crois. La peur de grandir. Tu sais, c'est dingue, je n'ai quasimment aucun souvenir, et je trouve ça tellement triste. Mon premier vélo sans roulettes, la fois où j'ai appris à nager. RIEN. Rien du tout avant le collège, ou presque. J'ai tellement déménagé que je n'ai pas de souvenir fixe de toute la période qui précède le collège, ça doit être pour ça. En tout cas ça me fait un peu peur, quand j'y pense.
Et puis, moi aussi les mots de Delphine me retournent de l'intérieur. Et ses photos je n'en parle pas. Et sa musique (et la Renarde :D).