Jeudi 10 mars 2011 à 20:37

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Jeudi 10 février 2011 à 12:40

Alors évidemment, ça ne servira à rien d'en parler ici. Ça ne changera rien, ça ne bousculera pas les consciences. Et puis, au final, ça apparaîtra peut-être comme ridicule. Je ne suis pas quelqu'un d'engagé. Peu de choses me touchent vraiment, la faim dans le monde, la lutte contre la réforme des retraites, je ne me sens pas concernée, c'est trop loin de moi. D'ailleurs, ça n'a sans doute pas grand-chose à voir. Je ne sais pas si je mettrai cet article sous mot de passe. Non, finalement, non. Je veux que ce soit lu par le plus grand nombre, même si peu de personnes passent ici.

J'aime les filles, oui, ça je pense que vous l'avez compris. L'autre jour, je discutais avec une fille que je connais un peu, adorable, rigolote, qui est venue me parler spontanément alors qu'on ne s'était vues qu'une seule fois. Je ne sais plus comment, nous en sommes venues à parler du fait qu'à la fac, tout le monde avait dû nous repérer, mon amoureuse et moi, étant donné qu'on se tient la main et qu'on s'embrasse naturellement (pas de gros roulages de pelles non plus hein, on reste décentes !). Elle disait que ça lui paraissait fou de pouvoir faire ça depuis ce qui s'était passé. Ce qui s'était passé ? Alors elle m'a raconté qu'une nuit, vers trois heures du matin, elle rentrait chez elle avec sa copine. Je ne sais plus si elles se tenaient la main, mais le fait est qu'elles ressemblent à des lesbiennes : pas des butch, plutôt des gouines à mèche. Dans tous les cas, on les reconnaît. Donc, elles marchaient, un type marchait derrière elle, d'un peu trop près. Elles étaient dans un quartier de Nantes que beaucoup évitent la nuit parce qu'il craint, mais elles ne pouvaient pas faire de détour. La copine de cette demoiselle a fini par se retourner pour demander au mec d'arrêter de les suivre. Il est parti. En fait, il s'était planqué quelques mètres plus loin, et, quand elles sont arrivées à sa hauteur, il a donné un coup de poing à la première, qui a fermé l'œil par réflexe, puis à la deuxième. Dans son poing, une lame. Heureusement que l'œil de V était fermé... même pas le temps de sortir leur bombe lacrymo que l'homme était parti. Elles n'ont rien eu, juste des petites cicatrices, mais ça aurait pu être plus grave. Elles ont porté plainte, et appris qu'une agression similaire avait eu lieu, des lesbiennes aussi.

Et alors je me suis rappelée que malgré l'impression que j'avais, on n'était pas si en sécurité que ça. Même ici, à Nantes, où les gens sont très ouverts, où on croise beaucoup de filles qui aiment les filles. Alors peut-être que ça passe mieux avec nous parce qu'on ressemble à deux hétéros (jusqu'au moment où on s'embrasse, bien entendu). Mais le risque existe malheureusement. Celui de se faire insulter voire pire pour ce qu'on est. Oh, pour l'instant, rien de grave. Des regards, beaucoup de regards. Parfois perplexes, souvent curieux (quand ce sont des mamies, c'est drôle, un peu : elles nous regardent en douce pour vérifier qu'elles ont bien vu, et puis elles font une tête bizarre et pourtant, elles ne peuvent s'empêcher de nous regarder encore de manière peu discrète), rarement réprobateurs mais quand c'est le cas, il s'agit souvent de personnes âgées. Une fois, on parlait du CO de mon amoureuse à sa tante catho et une jeune femme qui écoutait la conversation dans le tram souriait en nous entendant parler et nous a dit "bon courage" quand on est sorties. Ça, c'est plutôt agréable. Tout comme les sourires qu'on devine parfois comme "ah, vous aussi !". Les autres regards finissent pas être lassants. Certains garçons dont on se doute qu'ils ne nous regardent pas innocemment. Peu de remarques, c'est vrai. Une fois, un garçon : "moi aussi j'aime les femmes !", alors je lui ai répondu "euh... c'est une bonne chose", il avait l'air étonné que je lui parle. Une autre fois, j'ai failli me prendre une portière dans le genou route de Clisson (oui, ça ne vous parlera pas, ce n'est pas grave, c'est pas une route très sûre mais il était 22h à peine) : on se tenait la main, sommes passées près d'une voiture remplie d'hommes, la portière s'est ouverte violemment, un tout petit peu trop tard, puis on a entendu des rires gras.

Certains jours, c'est lassant. Ces regards, juste ces regards. Au début, il y a une certaine fierté à se faire remarquer, parce qu'on s'affiche, ni plus ni moins que les hétéros, on a un comportement "normal", loin d'être outrancier. On se tient la main, on s'embrasse un peu, mais pas à grand coup de "mouaaah" et de "vas-y-que-je-t'enfonce-ma-langue-dans-ta-bouche" comme un autre couple dans le tram l'autre jour. Et puis à un moment, on a juste d'envie d'être un peu plus invisible. De ne pas attirer plus l'attention que ce garçon et cette fille qui s'embrassent là-bas.

J'en demande trop, sans doute. "Qu'est-ce que vous voulez de plus ? Vous avez déjà le PACS.". Oui, c'est comme la question du mariage. Peut-être que les homos qui veulent se marier sont en minorité. Mais on veut avoir le choix, celui d'avoir les mêmes droits que n'importe quel autre citoyen français. Même l'Argentine, pays à 50% catholique pratiquant, s'y est mis, a autorisé le mariage ET l'adoption. En France, juste le PACS. C'est mieux que rien, c'est certain. Mais le mariage offrirait un cadre plus légal encore, une nouvelle reconnaissance du couple homosexuel, et surtout, une protection pour les enfants des couples homos qui sont bien plus nombreux qu'on le croit. Le deuxième parent, le parent social n'a aucun droit sur son enfant. Si séparation ou décès il y a, il peut se voir interdit de tout droit de visite sur son enfant... Vous trouvez ça normal ? Je ne sais pas si je veux des enfants, pour l'instant ce n'est même pas envisageable pour moi, mais je connais des couples homoparentaux.

Ah, et puis partir en vacances ? Sept pays condamnent encore les homosexuels à mort. Beaucoup à la prison ou à des peines diverses. Certains pays ne condamnent pas officiellement mais n'ont aucune loi protégeant les couples de même sexe. En cas d'agression, pas de recours : quel dommage...

Je vais m'arrêter là, sans doute. Mon amoureuse a finalement fait son coming-out à sa tante catho, au téléphone. Celle-ci n'avait pas bien compris et aurait été choquée de nous voir ensemble (on a pourtant été discrètes, on ne s'est pas embrassées devant elle...). Selon elle, nous sommes "perdues", "désorientées", et ce n'est probablement qu'une "passade". Elle dure long, ma passade... M est invitée à un repas de famille. Bien entendu, il n'a été fait aucune mention de moi, il n'est pas concevable que j'assiste au repas de famille de ma copine alors que, si on est encore ensemble, ça fera 8 mois. Oh, si j'avais été un garçon, peut-être... Malgré ça, sa tante était très gentille mais bourrée de préjugés... Je souhaite de tout cœur que sa fille, qui n'a que 10 ans, soit exclusivement hétéro.

Mais enfin, quand on voit qu'il y a encore de nombreux crimes homophobes en France... Certes, ils sont de mieux en mieux reconnus mais encore trop élevés. Il n'y a qu'à voir les horreurs qu'a subies Bruno Wiel, tabassé, torturé et laissé pour mort parce qu'il était homosexuel... Et encore, il est vivant. Dois-je aussi rappeler que le risque de suicide est beaucoup plus important chez les jeunes homos ?
 
Alors voilà, la discrimination, je ne la sentais pas quand j'étais célibataire, puisque je ne suis pas une lesbienne "visible". Maintenant, si, un peu plus. Je suis une femme, j'ai statistiquement plus de risques de me faire agresser que les hommes. Je suis lesbienne, j'ai statistiquement plus de risques de me faire agresser. Et encore, j'ai de la chance : je ne suis ni noire, ni grosse, ni handicapée. Et je ne suis qu'à moitié rousse. Ç'aurait pu être pire.

Lisez Le Bleu est une Couleur Chaude, ça fait du bien au moral. D'ailleurs, l'album a eu le prix du public au Festival d'Angoulême... plus que mérité ! Cette BD est une merveille.


http://mademoiselle-coquelicot.cowblog.fr/images/baiser19web.jpg
Dessin de Julie Maroh

Dimanche 26 décembre 2010 à 2:17

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Samedi 30 octobre 2010 à 0:45

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Vendredi 17 septembre 2010 à 17:34

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